« Louise de Kéroualle », certainement un nom qui vous semble familier si vous êtes de passage à Aubigny-sur-Nère. Espionne du roi Louis XIV et maitresse du roi Charles II d’Angleterre, cette femme a marqué l’Histoire de France de part son influence diplomatique. Jeunesse, de Versailles à Londres, favorite royale et duchesse de Portsmouth, découvrez la vie de celle qui tenait le destin de l’Angleterre entre ses mains.
Douce enfance dans le Finistère
Louise Renée de Penancoët vient au monde en 1649, dans le château de Kéroualle situé dans la commune de Guilers, non loin de Brest. Elle est la fille de Guillaume de Penancoët, Comte de Kéroualle et de Marie Ploeuc de Timeur. Son grand frère, Sébastien, deviendra capitaine de vaisseau tandis qu’Henriette, sa toute jeune sœur, sera comtesse de Pembroke. Malgré une prestigieuse ascendance, qui compte des rois et des ducs, cette noble famille bretonne est, comme beaucoup d’autres, fauchée comme les blés ! Rentrer dans les ordres semble la meilleure solution pour l’avenir de Louise. Elle parfait donc son éducation au couvent Sainte-Ursule de Lesneven où vit l’une de ses tantes, elle-même religieuse.
Demoiselle d’honneur de Madame, Duchesse d’Orléans
De retour du couvent, Louise rencontre le Duc de Beaufort, cousin de Louis XIV et grand Amiral de France à Brest, lors d’une réception donnée dans le domaine familial. Le Duc s’éprend de la belle jeune femme et s’engage à ce qu’elle devienne demoiselle d’honneur de Madame, Henriette-Anne d’Angleterre, sœur du roi Charles II d’Angleterre et belle-sœur de Louis XIV. Une proposition qui ne se réalisera qu’après le décès du Duc en 1668.
Logée à la cour de Versailles, le Roi Soleil remarque le charme naturel de Louise. Plutôt que d’en faire sa nouvelle maitresse, elle deviendra un élément clé dans sa politique étrangère. A l’époque, le principal projet de Louis XIV était d’influer sur l’Angleterre pour qu’elle reste neutre dans son conflit avec la Hollande. De ce fait, le Roi missionne Louise de Kéroualle auprès de Charles II, dont il connait sa sensibilité face au charme féminin… Ainsi, la belle bretonne embarque avec Madame pour Londres.
Favorite de Charles II d’Angleterre et espionne de Louis XIV…
Charles II accueille sa sœur Henriette dans le faste d’une somptueuse soirée de réception. Durant cette fête, les propos du Duc de Buckingham pique la curiosité du roi au sujet de la nouvelle dame de compagnie de Madame. Il ne tardera pas à la rencontrer, puisqu’Henriette souhaite lui offrir un cadeau. Elle charge alors Louise de lui faire choisir un de ses bijoux. Charles II aurait alors murmuré en posant sa main sur celle de la jeune femme :
« Voilà le seul bijou que je désire ! »
Peu de temps après son retour en France, Henriette-Anne d’Angleterre décède en juin 1670. Quelques mois s’écoulent et en septembre de cette même année, le Duc de Buckingham traverse la Manche pour proposer à Louise de Keroualle une place de fille d’honneur de la reine d’Angleterre. En effet, malgré le chagrin causé par la perte de sa soeur, Charles II n’a pas oublié la charmante jeune femme : une opportunité en or pour Louis XIV. Logée dans un immense appartement au palais de Whitehall, la belle bretonne saura faire languir le roi d’Angleterre durant une année. Supervisée par l’Ambassadeur de France, le marquis Colbert de Croissy, Louise n’en oublie pas son objectif premier. C’est à la suite d’une réception donnée par la comtesse d’Arlington en octobre 1671, qu’un faux mariage est organisé entre le Roi et Louise. Nuit de Noces bien réelle, elle devient alors sa maîtresse officielle.
L’échiquier est ainsi en place…
Louise de Kéroualle : Duchesse de Portsmouth et d’Aubigny
Lorsque Louise donne naissance à son fils en juillet 1672, le roi d’Angleterre donne le titre de Duchesse de Portsmouth à la mère et celui de Duc de Richmond à l’enfant. Louise obtient en 1673 la nationalité anglaise, elle devient également comtesse de Farham et baronne de Peterfield : des titres qui gratifient ses « bons et loyaux services » auprès de Charles II. La même année et par choix diplomatique, Louis XIV offre la seigneurie d’Aubigny à Louise et son fils. Devenu un duché sous le Roi Soleil, ces terres appartenaient autrefois aux Stuarts depuis 1423. Durant la Guerre de Cent Ans, Charles VII offrit Aubigny à Jean Stuart de Darnley et sa descendance mâle, pour le remercier de l’aide apportée en repoussant l’envahisseur anglais.
Pour en savoir plus sur la donation d’Aubigny aux Stuarts, vous pouvez consulter l’article sur les 600 ans en cliquant ici !
Louise de Kéroualle et son influence considérable
Fraîchement titrée Duchesse de Portsmouth suite à la naissance de son fils, elle occupe rapidement une place importante auprès du roi d’Angleterre. Charles II reçoit même ambassadeurs et ministres dans les appartements de sa maitresse.
La Duchesse de Portsmouth s’applique à ce que Charles II finisse par se convertir au catholicisme, malgré des origines religieuses anglicanes. Mais son objectif reste le même : influer sur le roi d’Angleterre pour éviter qu’il intervienne dans le conflit franco-hollandais. La mission qui lui a été confiée par Louis XIV sera une réussite : grâce à Louise, la neutralité anglaise permettra une signature de paix entre la France et la Hollande, en 1678 à Nimègue.
© RMN-Grand Palais / Daniel Arnaudet
Ainsi, Louise de Kéroualle devient primordiale dans le grand projet du Roi Soleil. Ce dernier, reconnaissant, se plait même à l’appeler « ma cousine », preuve de son importance.
Sous l’impulsion de Louise de Kéroualle, Aubigny et son château renaissent…
Suite à la mort de Charles II en 1685, la position de Louise se heurte à l’opposition du parlement, de la Cour, mais aussi du peuple. Elle se retire donc à Aubigny, tout en faisant de nombreux séjours à Paris. Les seuls revenus que Louise possèdent sont ceux provenant d’une pension accordée par Louis XIV.
De 1714 à 1716, Louise de Kéroualle achète un certain nombre de jardins, agrandissant ceux déjà présents au château des Stuarts. Elle confie à un disciple de Le Nôtre l’aménagement des Grands Jardins et y fait construire une orangerie. Duchesse au grand cœur, elle attache beaucoup d’importance à aider les plus démunis. Elle fait donc construire le prieuré afin d’accueillir les malades, les pauvres, les voyageurs… En œuvrant ainsi pour la ville, les habitants lui affubleront l’affectueux surnom de la « Bonne Dame d’Aubigny ».
Le saviez-vous ?
Parmi la descendance de la belle bretonne, figure la Princesse Diana dont l’auréole illumine encore un peu plus la mémoire du destin hors du commun de son aïeule. Ainsi, quand le Prince William montera sur le trône d’Angleterre, ce sera un bout d’Aubigny qui montera sur le trône avec lui.
Publié le 04/08/2023