Les légendes se sont créées au rythme de l’émergence des traditions, dans le lit des croyances et des peurs ancestrales régionales. Il en est sorti un florilège fantastique de personnages et d’animaux surnaturels, tels que sorciers et sorcières, loups-garous, vampires, ou oiseaux maléfiques…
Une littérature locale et l’imaginaire
George Sand, l’écrivaine la plus célèbre de son époque, a su honorer le monde des légendes de son Berry natal. Durant son enfance, George Sand porte un vif intérêt pour les légendes paysannes qui circulaient à l’époque, dans les villages. Racontées par les anciens au cours des veillées, celles-ci l’ont profondément marquée. Ses œuvres comme « Les légendes rustiques », « La petite Fadette », « Les maîtres sonneurs », en sont de véritables ambassadeurs. Considéré comme une « littérature orale » par l’auteure, la première à utiliser ce terme, ce type d’écrits regroupe des histoires populaires extraordinaires, transmises de génération en génération…
Les créatures de George Sand
La petite Fadette
Elle est réputée pour être une graine de sorcière, dans la lignée de sa grand-mère avec qui elle vit, qui elle, est considérée comme une véritable sorcière. George Sand va mettre en lumière ce jeune personnage dont la mauvaise renommée, n’en cache pas moins un cœur pur et des sentiments sincères. On le découvre au fil du roman qui se révèle être une très belle histoire d’amour. La jeune fille a effectivement la capacité de guérir, un don qu’elle tient de sa grand-mère, et de ses connaissances.
Le Loup-Garou ou Grand-bête
Animal fabuleux qui hante depuis la nuit des temps, les campagnes berrichonnes. Il prend aussi les noms de vache au diable, de chien blanc, ou de bigorne… Et revêt des apparences toutes aussi multiples, sorties de l’imagination paysanne, comme le souligne George Sand :
« C’est le plus souvent une chienne de la taille d’une génisse. Les enfants et les femmes qui ont l’imagination vive, lui ont bien vu des cornes, des yeux de feu, et l’assemblage hétérogène des formes de divers animaux ; mais les gens calmes et clairvoyants ont décidé, en dernier ressort, que c’était une levrette »
Légendes rustiques – George Sand
La source de terreur vient d’abord du fait que l’animal rôde autour des maisons, sans qu’il soit visible. C’est une crainte qu’elle a elle-même éprouvé à l’âge de 10 ans. Si l’animal effrayant n’attaquait pas et fuyait à la moindre hostilité, le danger disait-on, venait de son souffle ou de son influence maline, pouvant faire périr les animaux autour desquels il rôdait.
Les laveuses de nuit, ou Lavandières
Elles représentent la plus sinistre vision répandue dans tout le Berry et la Sologne. Durant la nuit, à proximité d’une source d’eau, on peut entendre « le battoir précipité et le clapotement furieux des lavandières fantastiques ». Il s’agirait des âmes de mères infanticide.
« Elles battent et tordent incessamment quelque objet qui ressemble à du linge mouillé, mais qui, vu de près, n’est qu’un cadavre d’enfant ».
Légendes rustiques – Georges Sand
La légende dit qu’il faut éviter de les déranger, car même le plus grand des gaillards se ferait battre et tordre comme un simple linge.
Le Follet d’Ep-Nell
C’est le fils de Georges Sand, Maurice Sand, qui le décrit. « Sous la pierre d’Ep-Nell, un follet de mauvaise race se tient blotti. C’est un follet à queue : ce sont les pires. Au lieu de soigner et de promener les chevaux, ils les effraient, les maltraitent et les rendent poussifs ». Une autre légende du Berry raconte qu’un follet avait cherché à embrouiller et casser le brin de laine qu’une filandière filait. Une astuce pour se glisser, pendant qu’elle réparait le fil, dans le sac à galettes préparé pour ses enfants. La ménagère réussit à se débarrasser de cet esprit malin en attachant sa queue au rouet qu’elle fit tourner comme si de rien n’était. Se mettant à crier et gémir, il finit par jurer qu’il ne remettrait plus jamais les pieds dans la maison…
Claude Seignolle : un auteur fantastique
Ce monde du surnaturel, en Sologne et en Berry, n’a pas non plus échappé au grand conteur-ethnologue qu’était Claude Seignolle. Sa vocation de raconter le monde des légendes s’est nourrit durant l’enfance de ses propres peurs, comme celle du loup… C’est en fréquentant la Société Préhistorique Française qu’il fit la rencontre de l’ethnologue et folkloriste Arnold Van Gennep (1873 – 1957), déterminante pour son avenir. Celui-ci lui donna envie de s’orienter sur le patrimoine légendaire et folklorique, ce qui correspondait précisément à ses centres d’intérêts. Claude Seignolle a donc collecté les traditions rurales, mais aussi à recueillir les croyances et les peurs de la population. Cette même population née sous le second empire et encore sous l’influence d’un grand nombre de superstitions et de croyances… Il poursuivra son travail après la seconde guerre mondiale, à travers des enquêtes sur le surnaturel dans le monde paysan.
Son œuvre a par ailleurs marqué la littérature régionale d’une empreinte unique.
« Le plus beau florilège d’histoires à faire peur, de la littérature d’aujourd’hui. »
Hubert Juin, romancier.
Les créatures de Claude Seignolle
Parmi les personnages emblématiques, on trouve le Gâloup, un étrange animal qui sème la terreur dans un village. Chaque nuit, il égorge et dévore les bêtes du troupeau d’un fermier, ne lui laissant que des carcasses… Ce qui décide les hommes à partir en chasse pour l’attraper. Mais à quoi ressemble-t-il ?
Il y a aussi Jeanne, cette jeune femme marquée sur le front d’une étoile rouge. On l’appelle La Malvenue, en raison de sa naissance sinistre. Elle incendia le blé fauché d’un propriétaire et accusa un pauvre homme d’en être responsable. Par ailleurs, Jeanne fait la collection de pierres qui seraient dotées d’un maléfice semblant les rendre vivantes… Ce roman écrit en 1952, est considéré comme un sommet de l’œuvre de Claude Seignolle.
Autre créature peuplant les cauchemars de l’époque, on peut nommer le Hûpeur. Cet oiseau chimérique peut se transformer en n’importe quel volatile. Attirant ses victimes dans les marais par ses cris perçants, il fait s’enliser ceux qui tentent de le trouver… Légende ou réalité ce Hûpeur semant la mort ?
Le Saviez-vous ?
Les animaux domestiques n’ont pas été épargnés par ces croyances et superstitions : par exemple, on ne devait pas lier les bœufs le 3 février, jour de la Saint-Blaise (patron des laboureurs), ni le 16 août, jour de la Saint-Roch, afin d’être préservé de la peste. Quant aux chats, ils étaient réputés pour être des animaux maléfiques… Aussi, l’on croyait dans le Cher, que toute personne traversant une rivière en portant un chat, mourrait dans l’année…
Publié le 20/10/2023